Introduction
La migraine représente l’une des affections neurologiques les plus fréquentes et invalidantes à l’échelle mondiale. Touchant environ 15% de la population, cette pathologie se caractérise par des crises de migraine récurrentes avec des céphalées pulsatiles, souvent unilatérales, accompagnées de symptômes associés comme la photophobie, la phonophobie, les nausées et les vomissements. Au-delà de la douleur, les crises de migraines impactent considérablement la qualité de vie des personnes atteintes, avec des répercussions significatives sur les activités quotidiennes, professionnelles et sociales. Il est crucial de mettre en place des mesures préventives pour réduire la fréquence des migraines.
Ces dernières années ont été marquées par des avancées majeures dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques de la migraine et dans le développement de nouvelles approches thérapeutiques. La découverte du rôle central du peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP) dans la genèse des crises migraineuses a notamment ouvert la voie à des traitements de fond ciblés, révolutionnant la prise en charge préventive de cette pathologie. Une bonne hygiène de vie, incluant un sommeil régulier, une alimentation équilibrée et une hydratation adéquate, joue également un rôle crucial dans la gestion des migraines.
En France, la Société française des céphalées a récemment actualisé ses recommandations pour le traitement de la migraine, intégrant ces nouvelles données scientifiques et thérapeutiques. Cet article vise à présenter les principales évolutions dans la prise en charge de la migraine, en mettant l’accent sur les nouvelles recommandations françaises publiées en 2024, qui constituent une mise à jour importante de celles de 2021.
Points clés
- La migraine touche environ 15% de la population mondiale et constitue la deuxième cause de handicap chez les personnes de moins de 50 ans
- Les nouvelles recommandations françaises de 2024 actualisent celles de 2021 en intégrant les avancées thérapeutiques récentes
- Les thérapies ciblant le CGRP (anticorps monoclonaux et gepants) représentent une avancée majeure dans le traitement de fond et le traitement de crise de la migraine
- L’approche thérapeutique doit être personnalisée selon le profil du patient, la fréquence et l’intensité des crises de migraine
- La combinaison de traitements (anti-inflammatoires non stéroïdiens + triptans) améliore l’efficacité du traitement de la crise migraineuse
1. Crises de migraine : mécanismes et impact sur la qualité de vie

Les caractéristiques de la migraine
La migraine est une maladie neurologique complexe caractérisée par des crises récurrentes de céphalées modérées à sévères. Elle se distingue des céphalées de tension par son caractère pulsatile, son intensité, sa localisation souvent unilatérale et les symptômes associés. On distingue principalement la migraine sans aura (80% des cas) et la migraine avec aura, cette dernière étant précédée de symptômes neurologiques transitoires, le plus souvent visuels comme une sensibilité à la lumière. De plus, des facteurs environnementaux tels que les fortes odeurs et les lumières peuvent également déclencher des migraines.
Les mécanismes sous-jacents de la migraine
Les avancées scientifiques récentes ont permis de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents de la migraine. Le peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP) joue un rôle central dans la physiopathologie migraineuse. Ce neuropeptide, découvert il y a près de 40 ans, est impliqué dans la vasodilatation des vaisseaux du cerveau et dans la transmission de la douleur. Lors d’une crise de migraine, les taux de CGRP augmentent significativement dans le sang, contribuant à l’inflammation neurogène et à la sensibilisation des voies de la douleur. Le niveau d’hyperexcitabilité dans le cerveau des migraineux varie d’une personne à l’autre, et il est crucial d’augmenter ce seuil de déclenchement par le biais de traitements pour gérer efficacement la fréquence et l’intensité des crises de migraine.
L’impact de la migraine sur la qualité de vie
L’impact de la migraine sur la qualité de vie est considérable. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, elle représente la deuxième cause de handicap chez les adultes de moins de 50 ans. Au-delà de la douleur, la migraine entraîne une diminution des performances cognitives, une fatigue chronique et un isolement social. Son coût sociétal est également important, avec des répercussions économiques liées à l’absentéisme professionnel et aux dépenses de santé.

2. Prise en charge de la migraine : évolution des recommandations françaises
Les recommandations françaises pour la prise en charge de la migraine ont connu une évolution significative ces dernières années. En 2021, la Société française des céphalées avait déjà publié des recommandations détaillées, intégrant les connaissances et les traitements disponibles à cette époque. Ces recommandations établissaient une stratégie thérapeutique progressive, distinguant le traitement de crise et le traitement de fond.
En 2024, ces recommandations ont été mises à jour pour tenir compte des nouvelles données scientifiques et des traitements récemment disponibles. La publication de Moisset et al. dans la Revue Neurologique présente la position officielle de la Société française des céphalées sur ces évolutions thérapeutiques. Parmi les principales modifications, on note une place plus importante accordée aux anticorps monoclonaux ciblant le CGRP dans le traitement de fond et l’introduction des gepants (antagonistes des récepteurs du CGRP) dans l’arsenal thérapeutique pour le traitement de crise. La mise en place de ces nouveaux traitements nécessite une collaboration étroite entre le patient et le neurologue pour optimiser les résultats.
La position de la Société française des céphalées s’articule autour de plusieurs points clés :
- Une approche personnalisée du traitement, adaptée au profil du patient et à la sévérité de la migraine
- L’importance d’une prise en charge précoce et optimale des crises pour prévenir la chronicisation
- L’intégration des nouveaux médicaments ciblant le CGRP dans la stratégie thérapeutique
- La nécessité d’une évaluation régulière de l’efficacité et des effets indésirables des traitements. Il est crucial de surveiller les effets secondaires potentiels et d’en discuter avec le médecin pour évaluer le rapport bénéfice-risque.
Ces nouvelles recommandations s’inscrivent dans une démarche d’amélioration continue de la prise en charge des patients migraineux, visant à réduire l’impact de cette maladie sur leur qualité de vie.
3. Anti-inflammatoires non stéroïdiens et triptans : traitement de crise optimisé
Le traitement de la crise migraineuse reste un pilier essentiel de la prise en charge. Les nouvelles recommandations françaises de 2024 confirment la place des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), des antalgiques et des triptans comme traitements de première ligne, tout en apportant des précisions sur leur utilisation optimale.
Les AINS (ibuprofène, kétoprofène, naproxène, diclofénac) demeurent le traitement initial recommandé pour les crises légères à modérées. Leur efficacité est bien établie, avec un bon profil de tolérance lorsqu’ils sont utilisés ponctuellement. Le paracétamol est également une option pour les crises légères à modérées, bien qu’il soit souvent associé à la caféine pour améliorer son efficacité. L’aspirine peut aussi être utilisée pour traiter les crises légères à modérées, souvent en combinaison avec des antinauséeux ou d’autres antalgiques. Les triptans, agonistes des récepteurs de la sérotonine, sont particulièrement efficaces pour les crises modérées à sévères ou résistantes aux AINS. Sept molécules sont disponibles en France (sumatriptan, zolmitriptan, élétriptan, almotriptan, frovatriptan, naratriptan, rizatriptan), avec des profils pharmacocinétiques différents permettant une personnalisation du traitement.
L’une des évolutions majeures dans les recommandations de 2024 concerne l’intérêt des combinaisons médicamenteuses. L’association d’un AINS et d’un triptan dès le début de la crise améliore significativement l’efficacité du traitement de crise par rapport à la monothérapie. Cette approche permet de cibler simultanément différents mécanismes impliqués dans la crise migraineuse et d’obtenir un soulagement plus rapide et plus complet.
Une autre avancée importante est l’introduction des gepants (ubrogepant, rimegepant) dans le traitement de crise. Ces antagonistes des récepteurs du CGRP représentent une alternative intéressante pour les personnes ne répondant pas ou présentant des contre-indications aux triptans, notamment celles souffrant de pathologies cardiovasculaires. Bien que leur disponibilité soit encore limitée en France, ces molécules sont mentionnées dans les nouvelles recommandations comme une option thérapeutique prometteuse.
Pour optimiser l’efficacité du traitement de la crise, les recommandations soulignent l’importance de plusieurs facteurs :
- La prise précoce du traitement, dès les premiers symptômes de la crise
- L’utilisation de doses adéquates, adaptées à l’intensité de la crise
- La prise en compte des symptômes associés (nausées, vomissements) pouvant nécessiter l’ajout d’anti-nauséeux
- La limitation de la fréquence d’utilisation des traitements de crise pour éviter les céphalées par abus médicamenteux

4. Migraines traitement de fond : anticorps monoclonaux anti-CGRP
La révolution majeure dans le traitement de fond de la migraine est sans conteste l’avènement des anticorps monoclonaux ciblant le CGRP. Ces traitements, développés spécifiquement pour la migraine, représentent la première classe thérapeutique conçue sur la base des mécanismes physiopathologiques de cette affection. Parmi les options de traitement, il est crucial de discuter avec son médecin des différents types de médicament disponibles pour déterminer le plus approprié.
Le principe d’action de ces anticorps repose sur le blocage du CGRP ou de son récepteur, empêchant ainsi l’activation des voies de la douleur impliquées dans la migraine. Contrairement aux traitements de fond traditionnels, qui étaient initialement développés pour d’autres indications (épilepsie, hypertension, dépression), ces anticorps ciblent spécifiquement un mécanisme clé de la migraine. Il existe différents types de traitements préventifs, chacun ayant des indications spécifiques et des précautions à prendre.
Quatre molécules sont actuellement disponibles :
- L’érénumab (Aimovig®), qui cible le récepteur du CGRP
- Le galcanézumab (Emgality®), le frémanzumab (Ajovy®) et l’eptinézumab, qui ciblent directement le CGRP
Ces traitements de fond s’administrent par voie sous-cutanée (à l’exception de l’eptinézumab qui est administré par voie intraveineuse) à intervalles réguliers (mensuel ou trimestriel selon la molécule). Leur efficacité a été démontrée dans de nombreuses études cliniques, avec une réduction significative de la fréquence des crises de migraine et une amélioration de la qualité de vie des patients.
Les nouvelles recommandations françaises de 2024 précisent les contre-indications et critères d’éligibilité à ces traitements. Ils sont désormais indiqués chez les personnes souffrant de migraine épisodique sévère (au moins 8 jours de migraine par mois) ou de migraine chronique, après échec d’au moins deux traitements de fond conventionnels bien conduits. Cette position représente une évolution par rapport aux recommandations de 2021, qui réservaient ces traitements aux cas les plus sévères.
L’expérience en pratique réelle confirme l’efficacité et la bonne tolérance de ces anticorps. Les effets indésirables sont généralement mineurs et transitoires (réactions au site d’injection, constipation). L’absence d’interactions médicamenteuses et de contre-indications majeures constitue un avantage significatif par rapport aux traitements de fond conventionnels.
La durée optimale de traitement reste à définir. Les recommandations actuelles suggèrent une évaluation de l’efficacité après 3 mois de traitement, avec poursuite en cas de réponse satisfaisante (réduction d’au moins 50% de la fréquence des crises). Des périodes d’arrêt peuvent être envisagées après 6 à 12 mois de traitement efficace pour évaluer la nécessité de poursuivre.

5. Prise en charge personnalisée : adapter le traitement au profil du patient
Les nouvelles recommandations françaises mettent l’accent sur l’importance d’une approche personnalisée dans la prise en charge de la migraine. Cette personnalisation doit tenir compte de multiples facteurs : profil du patient, fréquence et intensité des crises, impact sur la qualité de vie, troubles associés, préférences du patient et antécédents thérapeutiques.
L’adaptation du traitement selon le profil du patient est essentielle. Chez la femme en âge de procréer, certains traitements de fond comme le valproate de sodium sont contre-indiqués en raison de leur tératogénicité. Les anticorps anti-CGRP représentent une alternative intéressante dans cette population, bien que leur utilisation pendant la grossesse ne soit pas recommandée en l’absence de données suffisantes. Chez le sujet âgé ou présentant des facteurs de risque cardiovasculaires, les triptans doivent être utilisés avec prudence, voire évités, au profit d’autres alternatives comme les AINS ou les gepants. Il est crucial de demander un conseil médical avant de commencer tout traitement pour s’assurer de son adéquation avec le profil du patient.
La prise en compte des troubles associés est un élément clé de la personnalisation thérapeutique. Certains traitements de fond peuvent avoir un effet bénéfique sur des pathologies associées : les bêta-bloquants chez les patients hypertendus, l’amitriptyline en cas de troubles anxio-dépressifs, le topiramate chez les patients épileptiques. À l’inverse, certains troubles peuvent contre-indiquer l’utilisation de certains traitements : asthme pour les bêta-bloquants, glaucome pour les antidépresseurs tricycliques.
Les stratégies d’optimisation thérapeutique incluent plusieurs approches :
- L’association de traitements de fond complémentaires en cas de réponse partielle
- L’ajustement des doses en fonction de la tolérance et de l’efficacité
- L’éducation thérapeutique du patient pour améliorer l’observance et la gestion des crises
- La prise en charge des facteurs déclenchants et aggravants (stress, troubles du sommeil, facteurs alimentaires)
Le suivi régulier des patients est indispensable pour évaluer l’efficacité des traitements et ajuster la stratégie thérapeutique si nécessaire. L’utilisation d’outils standardisés comme les calendriers de crise ou les échelles d’impact (HIT-6, MIDAS) permet d’objectiver l’évolution et de guider les décisions thérapeutiques lors de la consultation.

Conclusion
Les nouvelles recommandations françaises pour le traitement de la migraine marquent une étape importante dans l’amélioration de la prise en charge de cette pathologie fréquente et invalidante. L’intégration des thérapies ciblant le CGRP, tant en traitement de fond qu’en traitement de crise, représente une avancée majeure, offrant de nouvelles perspectives pour les patients ne répondant pas aux traitements conventionnels.
L’approche personnalisée, adaptée au profil de chaque patient, à ses troubles associés et à ses préférences, est au cœur de ces recommandations. La combinaison judicieuse des différentes options thérapeutiques disponibles permet d’optimiser l’efficacité tout en minimisant les effets indésirables.
Si des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années, la recherche continue d’explorer de nouvelles voies thérapeutiques prometteuses. Pour les millions de personnes souffrant de migraine, ces avancées représentent un espoir tangible d’une meilleure qualité de vie et d’un contrôle plus efficace de leur maladie.

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