Introduction
Les infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes connaissent une recrudescence alarmante en France depuis plusieurs années. Une étude récente, l’essai DOXYPEP, a montré des résultats encourageants sur la réduction des IST, notamment la syphilis et les chlamydias, grâce à l’utilisation de la doxycycline en post-exposition. Face à ce défi sanitaire majeur, la Haute Autorité de Santé (HAS) a récemment publié de nouvelles recommandations concernant l’utilisation de la doxycycline en prévention post-exposition. Cette approche novatrice vise à réduire l’incidence des IST chez les populations les plus à risque.
Ce qu’il faut retenir
- La doxycycline en prophylaxie post-exposition est envisageable pour certains hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) et femmes transgenres à haut risque d’IST.
- La prescription concerne les personnes ayant eu au moins deux partenaires et deux épisodes d’IST bactériennes au cours des 12 derniers mois.
- Le traitement consiste en une prise de 200 mg de doxycycline dans les 72 heures suivant un rapport sexuel non protégé.
- Cette stratégie s’inscrit dans une approche de prévention combinée, nécessitant un suivi médical régulier.
- Une surveillance étroite des potentielles résistances bactériennes est préconisée.
Les IST bactériennes : état des lieux
Épidémiologie récente des IST en France
Les données de surveillance épidémiologique en France montrent une augmentation constante des diagnostics d’IST bactériennes ces dernières années. Entre 2021 et 2023, on observe les tendances suivantes :
- Chlamydia : L’incidence augmente principalement chez les hommes, mais le taux reste plus élevé chez les femmes de 15 à 25 ans.
- Gonorrhée : Une hausse est constatée dans tous les groupes, avec une prévalence particulièrement élevée chez les HSH. Les statistiques montrent que les traitements contre les gonorrhées sont moins efficaces chez les personnes vivant avec le VIH, avec un taux de succès de 70% contre 85% chez celles qui ne le sont pas.
- Syphilis : L’incidence augmente chez les hommes et les femmes, les HSH étant les plus touchés.
Rappel des principales infections sexuellement transmissibles IST concernées
Chlamydia

La chlamydia est une infection sexuellement transmissible (IST) courante causée par la bactérie Chlamydia trachomatis. Souvent asymptomatique, elle peut néanmoins provoquer des symptômes tels que des douleurs abdominales, des écoulements anormaux et des sensations de brûlure lors de la miction. La chlamydia se transmet facilement lors de rapports sexuels non protégés et peut entraîner des complications sérieuses comme l’infertilité si elle n’est pas traitée. La prévention par la doxycycline en post-exposition peut réduire le risque de transmission, surtout chez les personnes à haut risque.
Gonorrhée

La gonorrhée, causée par la bactérie Neisseria gonorrhoeae, est une autre IST qui se propage par contact sexuel. Elle se manifeste souvent par des symptômes similaires à ceux de la chlamydia, tels que des écoulements purulents et des douleurs urinaires. La gonorrhée est hautement contagieuse et peut également entraîner des complications graves, y compris des infections disséminées et des problèmes de fertilité. La prophylaxie post-exposition à la doxycycline est une stratégie envisagée pour limiter sa propagation dans les populations vulnérables.
Syphilis

La syphilis est une IST causée par la bactérie Treponema pallidum. Elle se développe en plusieurs stades, chacun présentant des symptômes distincts, allant des ulcères indolores aux éruptions cutanées et, dans les cas avancés, à des complications neurologiques et cardiaques. La syphilis est hautement transmissible lors des rapports sexuels, y compris oraux. La prévention par la doxycycline en post-exposition vise à réduire l’incidence de cette infection, particulièrement chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les femmes transgenres, qui sont des groupes à risque accru.
Dépistage et traitement des IST
La doxycycline en prévention : pour qui et comment ?

Population cible
La HAS envisage l’utilisation de la doxycycline en prophylaxie post-exposition pour une population spécifique à haut risque d’IST :
- Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH)
- Les femmes transgenres
Ces personnes doivent répondre aux critères suivants :
- Avoir eu des rapports avec au moins deux partenaires (hommes cisgenres ou femmes transgenres) au cours des 12 derniers mois
- Avoir eu au moins deux épisodes d’IST bactériennes (chlamydia, gonorrhée ou syphilis) au cours des 12 derniers mois
Il est important de noter que cette prophylaxie n’est pas recommandée pour :
- Les femmes cisgenres
- Les hommes transgenres
- Les hommes ayant uniquement des rapports avec des femmes
En effet dans ces situations, il n’y a pas de preuve formelle d’efficacité actuellement.
Modalités de prescription et d’utilisation
La HAS préconise les modalités suivantes pour l’utilisation de la doxycycline en prophylaxie post-exposition :
- Posologie : 200 mg de doxycycline par voie orale (deux comprimés en prise unique)
- Timing : Au plus tôt après un rapport sexuel non protégé, et jusqu’à 72 heures maximum après le rapport
- Fréquence : Ne pas dépasser 3 prises par semaine
Cette prescription doit s’inscrire dans une démarche de décision partagée entre le médecin et le patient, en tenant compte des bénéfices attendus et des risques potentiels.
Suivi médical recommandé
La mise en place de cette prophylaxie nécessite un suivi médical rigoureux :
- Dépistage des IST tous les 3 mois
- Traitement curatif de toute IST selon les recommandations actuelles
- Test de guérison après traitement curatif pour s’assurer de l’absence d’émergence d’IST résistantes à la doxycycline

Il faut bien distinguer les préventions PreP et Post exposition
Il est crucial de bien distinguer deux approches préventives concernant l’utilisation de la doxycycline contre les IST bactériennes. La prophylaxie pré-exposition (PrEP-Doxy) n’est pas recommandée par la HAS pour les HSH et les femmes transgenres. En revanche, le traitement post-exposition (TPE-Doxy) peut être envisagé dans certains cas spécifiques pour ces populations à haut risque. Cette distinction est importante car elle souligne la différence entre une prise régulière avant tout rapport sexuel (PrEP) et une prise ponctuelle après un rapport non protégé (TPE), chacune ayant des implications différentes en termes d’efficacité, de risques et de suivi médical.
Enjeux et précautions
Bénéfices attendus
L’utilisation de la doxycycline en prophylaxie post-exposition vise à réduire l’incidence des IST bactériennes chez les populations à haut risque et à limiter leur transmission dans la communauté.
Risques potentiels
Cette stratégie soulève plusieurs préoccupations :
- Résistance bactérienne : Une surveillance étroite est nécessaire pour détecter l’émergence de résistances.
- Effets secondaires : Les effets indésirables et interactions médicamenteuses doivent être évalués.
- Impact sur les comportements : Il faut veiller à ce que cette prophylaxie ne conduise pas à un relâchement des autres mesures préventives.
Prévention combinée : une approche globale
La prophylaxie par doxycycline s’inscrit dans une stratégie de prévention combinée qui inclut :
- L’utilisation de préservatifs
- Le dépistage régulier des IST
- La vaccination contre les IST pour lesquelles un vaccin existe
- La PrEP pour le VIH si nécessaire
- Des conseils de réduction des risques adaptés
Conclusion
La recommandation de la HAS concernant l’utilisation de la doxycycline en prophylaxie post-exposition marque une étape importante dans la lutte contre les IST bactériennes. Cette stratégie s’adresse à une population spécifique à haut risque et nécessite une décision partagée entre le médecin et le patient. Une surveillance étroite et des études de suivi sont indispensables pour évaluer l’impact à long terme de cette approche.
Références bibliographiques
- Haute Autorité de Santé. Doxycycline en prévention des infections sexuellement transmissibles bactériennes. 29 janvier 2025.
- Martin Agudelo L. Doxycycline en prévention des IST : chez qui et comment ? La Revue du Praticien. 13 Février 2025.