Phage

La phagothérapie : un espoir pour lutter contre les infections résistantes aux antibiotiques ?

Les infections résistantes aux antibiotiques constituent un problème croissant pour la santé publique mondiale. Face à cette menace, les chercheurs et les professionnels de la santé sont à la recherche d’alternatives efficaces pour traiter les infections bactériennes. Parmi ces alternatives, la phagothérapie se présente comme une option thérapeutique prometteuse, bien que confrontée à des défis en matière de réglementation, d’acceptabilité et de recherche. Cet article explore les avantages de la phagothérapie, les obstacles actuels à son adoption, ainsi que les efforts déployés pour la réintroduire en Europe et au-delà.

Qu’est-ce que la phagothérapie ?

La phagothérapie est une approche thérapeutique qui utilise des phages, des virus spécifiques capables de cibler et de détruire des bactéries, pour traiter les infections bactériennes. Contrairement aux antibiotiques, qui agissent de manière générale contre un large spectre de bactéries, les bactériophages sont hautement spécifiques et n’affectent que certaines bactéries cibles. Cela permet de préserver la flore bactérienne bénéfique et de réduire le risque de développement de résistance bactérienne. La phagothérapie a été découverte au début du XXe siècle par Félix d’Hérelle, un scientifique franco-canadien, mais son utilisation a largement été éclipsée par l’essor des antibiotiques au cours des décennies suivantes.

La résurgence de la phagothérapie face à la résistance aux antibiotiques

Avec l’augmentation alarmante de la résistance aux antibiotiques, la phagothérapie revient sur le devant de la scène médicale en tant qu’alternative potentielle pour lutter contre les infections bactériennes résistantes. Des établissements tels que l’Institut Eliava en Géorgie et le laboratoire Pherecydes Pharma en France se consacrent à la recherche et au développement de bactériophages thérapeutiques.

Défis et obstacles à la phagothérapie

Malgré ses avantages potentiels, la phagothérapie rencontre plusieurs défis, notamment en matière de réglementation et d’acceptabilité. Les bactériophages étant des virus spécifiques, il est difficile de les adapter aux méthodes traditionnelles d’essais cliniques et d’homologation des médicaments. De plus, certaines bactéries peuvent rapidement développer une résistance aux phages, ce qui nécessite un ajustement constant des phages utilisés en thérapie.

Vers l’intégration de la phagothérapie en Europe et au-delà

En dépit de ces obstacles, des chercheurs tels que Jean-Paul Pirnay, directeur du laboratoire de technologie moléculaire et cellulaire à l’Hôpital militaire Reine Astrid en Belgique, plaident pour la réintroduction de la phagothérapie personnalisée en Europe. Ils proposent d’intégrer cette approche thérapeutique dans le cadre de préparations magistrales, permettant aux médecins de prescrire des phages sur mesure pour des patients spécifiques. Les pharmaciens pourraient alors préparer ces produits à base de phages selon les prescriptions individuelles, avec la production assurée par des acteurs industriels et à but non lucratif. L’inclusion de la phagothérapie dans la Pharmacopée européenne pourrait faciliter cette approche en fournissant des lignes directrices non restrictives pour la production de préparations magistrales à base de phages.

La phagothérapie en Europe

La phagothérapie, bien que connue depuis plusieurs décennies en Belgique grâce aux travaux de Jean-Paul Pirnay, directeur du laboratoire de technologie moléculaire et cellulaire (Hôpital militaire Reine Astrid), peine encore à se généraliser en Europe. Les obstacles majeurs sont liés à des problèmes de réglementation et d’acceptabilité. Cette thérapie utilise des virus tueurs de bactéries pour combattre les infections et a connu un regain d’intérêt avec la montée de la résistance aux antibiotiques.

L’Institut Eliava en Géorgie, pionnier de la phagothérapie

Le George Eliava Institute of Bacteriophages, Microbiology and Virology, fondé en 1923 par le Pr George Eliava, est le plus grand centre de phagothérapie au monde. Il possède la collection la plus vaste et précieuse de souches bactériennes et bactériophages, avec plus de 1 000 phages actifs contre des agents pathogènes bactériens humains, végétaux et animaux, et plus de 12 000 représentants différents de 180 espèces bactériennes et 44 genres isolés de différentes régions du monde

La collaboration entre l’hôpital militaire Reine Astrid et l’Institut Eliava

En Belgique, l’hôpital militaire Reine Astrid fait appel à l’Institut Eliava en Géorgie lorsqu’ils rencontrent des cas d’infections résistantes aux antibiotiques. Un exemple notable est le traitement d’une femme blessée lors des attentats de Bruxelles en 2016. Après avoir échoué à traiter son infection par des antibiotiques, l’Institut Eliava a trouvé un phage adapté pour combattre la souche de Klebsiella pneumoniae résistante. La combinaison de phages et d’antibiotiques a permis à la patiente de guérir.

Pour accélérer l’adoption et l’efficacité de la phagothérapie, une collaboration internationale et un développement accru de la recherche sont nécessaires. Les institutions et les chercheurs du monde entier doivent travailler ensemble pour partager leurs connaissances, leurs expériences et leurs ressources afin de surmonter les obstacles actuels à l’utilisation généralisée de la phagothérapie. Les partenariats entre les centres de recherche, les hôpitaux et les entreprises pharmaceutiques peuvent contribuer à la mise au point de nouvelles approches thérapeutiques et à l’amélioration des traitements existants.

La phagothérapie en France

En France, les Hospices civils de Lyon ont initié le projet PHAG-ONE, consacré à la phagothérapie. Actuellement, seul Pherecydes Pharma, un laboratoire privé, produit des phages thérapeutiques. Par ailleurs, l’ANSM (‘Agence nationale de sécurité du médicament) a récemment autorisé un accès compassionnel aux bactériophages pour traiter les infections ostéo-articulaires.

Antibiogramme sur des boites de Petri
La résistance aux antibiotique est devenu un problème de santé publique

Défis et perspectives de la phagothérapie

Malgré les succès de la phagothérapie, certains scientifiques restent sceptiques quant à son utilisation à grande échelle. Les phages sont spécifiques à certaines bactéries, et celles-ci peuvent rapidement développer une résistance. De plus, le temps nécessaire pour adapter les phages peut être un frein pour leur utilisation en tant que traitement d’urgence.

Cependant, Jean-Paul Pirnay préconise d’explorer la voie de la préparation magistrale pour tirer pleinement parti des avantages des phages par rapport aux antibiotiques traditionnels. Cette approche permettrait aux patients d’accéder à une phagothérapie personnalisée de manière plus rapide et réalisable. Toutefois, il est important de considérer la phagothérapie comme un complément aux traitements antibiotiques plutôt que comme un remplacement.

Sensibilisation du public et des professionnels de la santé

Il est également crucial de sensibiliser le public et les professionnels de la santé aux avantages potentiels de la phagothérapie. Des campagnes d’information et de formation peuvent aider à informer les médecins, les pharmaciens et les patients sur cette alternative prometteuse aux antibiotiques. En outre, les médias et les plateformes de communication en ligne peuvent servir à diffuser des informations sur les succès de la phagothérapie et à mettre en lumière des histoires de patients qui ont bénéficié de cette approche thérapeutique.

Conclusion

La phagothérapie est une option thérapeutique prometteuse dans la lutte contre les infections résistantes aux antibiotiques. En surmontant les défis actuels en matière de réglementation, d’acceptabilité et de recherche, il est possible de faire progresser cette thérapie et de l’intégrer dans les systèmes de santé européens. La collaboration internationale, le développement de la recherche et la sensibilisation du public et des professionnels de la santé sont essentiels pour réaliser pleinement le potentiel de la phagothérapie et améliorer les résultats pour les patients confrontés à des infections bactériennes résistantes.

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